Un préavis pour le renouvellement de la réserve de Taveyanne pour 50 ans a été accepté par le Conseil Communal en date du 5 septembre 2022. Le document est public sous le lien : https://www.gryon.ch/N2457/reserve-taveyanne.html
Ce document élaboré en concertation avec Pro Natura est une bonne chose pour le développement du tourisme doux. Une Commission dite « Commission de la Réserve de Taveyanne » a participé à son élaboration. L’ATER souhaite travailler de concert avec elle afin de communiquer toute information utile et d’actualité concernant ce lieu protégé.
Nous souhaitons sensibiliser la population à certains problèmes comme par exemple l’utilisation illégale de drone dans une réserve, ou la problématique du nourrissage des renards et la gestion de déchets laissés pour les animaux sauvages.
A ce sujet, nous approcherons Pro Natura pour la création de panneaux éducatifs.
Carte de la Réserve de Taveyanne
Article du 24Heures du 31 Août 2024
La vie dans un alpage « Si vous n’êtes jamais montés, vous ne comprendrez pas »
Marie Maurisse : Publié: 31.08.2024
Souvenir d’un ancien de Taveyanne
Bernard Amiguet, qui vit à Gryon, a tenu pendant vingt-cinq ans l'alpage de la Taveyanne. 24heures/Odile Meylan
Bernard Amiguet bougonne. Sur ses années passées à Taveyanne, il n’a pas l’habitude de s’étendre, pour une bonne raison : « Si vous n’êtes jamais montés à l’alpage, vous ne pouvez pas comprendre comment on vit là-haut. » Et pourtant, nous avons envie d’essayer. De saisir ce qui fait le charme de ces mois sur l’Alpe, ce mélange de sueur, de bétail et de cris d’enfants dans les pâturages, qui constitue un patrimoine national précieux.
Assis face à nous, dans le joli chalet de son gendre, à Gryon, ce jeune homme de 82 ans a beau être râleur, il n’a pas mauvais fond et se prête finalement à l’exercice. Il faut remonter le fil de ses souvenirs, il y a quarante ans. « Je travaillais à la télécabine et j’avais envie de changement. Je viens d’une famille paysanne, j’avais fait des saisons. Alors j’ai loué les pâturages à la Commune et je suis monté à Taveyanne avec mon épouse, au début d’un mois de juin. » Le rituel se renouvellera pendant vingt-cinq ans.
Classé réserve naturelle depuis la fin des années 70, l’alpage de Taveyanne n’a pas beaucoup changé depuis que cette photo a été prise. Le hameau a été célébré par le poète Juste Olivier, né à Gryon.
Le petit hameau de Taveyanne, classé monument historique, est aujourd’hui connu des marcheurs et des touristes, qui aiment cette carte postale de la Suisse. Mais Bernard, lui, en a une tout autre expérience. Sur place, il commence par mettre en place les clôtures, puis fait monter les bêtes : une quarantaine de vaches qu’il faut traire deux fois par jour, 120 génisses sans compter les cochons et les chèvres.
La tâche est colossale. Seul avec sa femme, il doit nettoyer les écuries, surveiller le bétail et centrifuger le lait pour en faire de la crème, qu’il vend. Pendant les vacances, leurs trois enfants sont avec eux. « Les premières années, les vaches dormaient dehors, se rappelle-t-il. Si l’une d’entre elles vêlait, ou était malade, je ne fermais pas beaucoup l’œil. Nous-mêmes, nous étions dans un tout petit chalet appartenant à la Commune. Les premiers temps, les couches étaient rustiques, puis j’ai installé des petits lits et une cuisinière à bois, pour se chauffer un peu et cuisiner. Au sol, c’était de la terre battue. » En 1986, la Commune construit une grande écurie pour accueillir tout le bétail, plutôt qu’il soit dispersé dans plusieurs petites écuries du village.
Des anecdotes, Bernard Amiguet en a mille. Quand la foudre est tombée sur une bête ou qu’il a fallu mettre fin aux souffrances d’une vache dérochée, quand il y a eu les maladies... Et puis toutes ces normes qui ont été instaurées année après année et qui ont un peu compliqué son quotidien, l’obligeant à mettre les cochons dans un enclos, multiplier les nettoyages pour améliorer l’hygiène... Quel était le meilleur moment de la journée ? « Le soir quand je me couchais !»
Les yeux d’un bleu très doux, Bernard Amiguet plaisante. Car même si le labeur était rude, il adorait cette vie au grand air – son épouse, décédée il y a quelques années, aurait sûrement confirmé. « Nous voyions des chamois, des marmottes... J’adorais ce coin. » Mais il se remet à râler : « Maintenant, je suis déçu. L’esprit de l’alpage a changé, les touristes à VTT ne respectent plus rien... La mentalité s’est perdue. » Après plus de vingt ans à l’alpage de juin à octobre, et au télécabine les autres mois, Bernard Amiguet a pris sa retraite en 2007.
Tous ses enfants se souviennent avec émotion de leurs étés à 1649 mètres d’altitude. Son gendre Pierre-Samuel Ravy, les sourcils en broussaille, garde aussi une immense admiration pour son beau-père, qu’il a régulièrement aidé à Taveyanne, notamment pour la traditionnelle fête de la mi-été, rendue populaire par la chanson de Juste Olivier en 1869. « Historiquement, ce rendez-vous était surtout l’occasion pour les propriétaires de monter contrôler le poids du lait, ce qui leur donnait une estimation de la production de la saison, ajoute Bernard Amiguet. Ils emportaient du sel et des denrées alimentaires pour consommer à l’Alpage et redescendaient un peu de beurre et de fromage. »
Malgré ses critiques, Taveyanne n’a pas beaucoup changé en quarante ans : les habitants de Gryon ont su protéger le hameau des velléités des promoteurs, en s’opposant par référendum à la construction d’un golf dans les années 70. Le site est désormais classé réserve naturelle, et les nouvelles constructions sont interdites. Bernard Amiguet pourrait reprendre à son compte une autre chanson de Juste Olivier, « Adieux à Taveyanne », dont les vers sont moins connus. « Chalets fameux de Taveyanne, chalets cachés à l’œil profane, dans le grand cirque où le granit, qui plane, laisse au troupeau que Dieu bénit, ce nid. »
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Historique de Taveyanne
Taveyanne est un lieu cher aux habitants de la région. Ce hameau a connu bien des épisodes de la vie communautaire de nos anciens. C’est là-haut qu’il y avait l’opulence de la belle saison, là-haut que le lait était le plus abondant, là-haut que l’on fabriquait le fromage servant à se nourrir l’hiver venu, là-haut que le village se retrouvait pour fêter la Mi-été, là-haut que l’on courtisait sa belle, là-haut que l’on s’aimait….et même là-haut que l’on mourrait pour certains! Relater l'historique de Taveyanne n'est pas chose facile. Il existe peu de documents mais suffisamment pour avoir une idée générale.
Ce pâturage appartenait à de riches familles (les Naters, les Saillons), puis les parts ont été vendues à l'Abbaye de St-Maurice qui en est finalement devenu l’unique propriétaire. Comment ces familles valaisannes avaient-elles des droits de propriétés ? Nous l'ignorons. Ce n'est guère avant l'an 1200 que l'on parle des propriétaires du pâturage qui a dû être défriché petit à petit. Les habitants de Gryon avaient un droit d'alpage par un acte de 1439. Le cadastre de 1781 déclare finalement le pâturage propriété des communiers. Quant aux chalets, ils ont été construits à la même époque, de 1720 à 1830, sauf le dernier-né à Taveyanne, la nouvelle étable communale en 1987. La mi-été, fête traditionnelle toujours d’actualité, remonte bien loin dans le temps. Cette coutume, qui se déroule le 1er dimanche d’août, est une ancienne fête pastorale qui réunissait les villageois et les jeunes vachers au milieu de la saison d'estivage. Elle a connu un essor particulier à la fin du 19ème siècle et doit sa renommée actuelle au Poète Juste Olivier qui a écrit une chanson bien connue sur cette fête en 1869.
La réserve naturelle : C'est vers 1968 que germe l'idée d'une réserve, suite au développement touristique de l'Alpe des Chaux. La réserve naturelle a pour objectif de conserver un arrière pays où la nature, la faune et la flore sont protégées. Des constitutions de servitude ont alors été signées entre les propriétaires et Pro Natura Vaud - Ligne vaudoise pour la protection de la nature, entre 1970 et 1995. Sur toute la surface de la réserve, les propriétaires s'engagent à ne pas entreprendre des travaux, constructions et dépôts, à l'exception de l'exploitation du bois et des pâturages, du captage des sources et des travaux qui s'y rapportent. L'exploitation pastorale traditionnelle est soutenue, les bâtiments conservés et entretenus dans leur typicité. La réserve étant située intégralement dans le District Franc Fédéral et dans la réserve vaudoise de chasse, les directives fédérales et cantonales ainsi que les lois y relatives sont applicables. Soyez notamment attentifs.ves à l’existence de zones de tranquillités pour lafaune (https://www.zones-de-tranquillite.ch/) et donc aux itinéraires de skis autorisés.
Quelques recommandations pour votre visite : Nous vous remercions d’ores et déjà du respect dont vous ferez preuve à l’égard de cette nature encore indemne, de ce coin de pays que nous voulons conserver intact pour les générations futures. Pour ceci, nous vous prions de respecter quelques consignes élémentaires qui sont : Merci de stationner sur le parking prévu à cet effet. Et les champignons ? Plus de 150 espèces de champignons supérieurs ont été recensées dans la réserve où la cueillette n’est pas interdite. S'il est louable d'en prendre, pour un "petit repas" et que l'on soit connaisseur de leur comestibilité, évitez de tout piller, d'abîmer le sol ou ceux que vous ne connaissez pas. Le retour des grands prédateurs comme le loup et le lynx oblige à renforcer les mesures de protection des animaux de rente. Les chiens de protection des troupeaux sont très imposants et abordent avec méfiance les éléments inconnus - les randonneurs en font partie - qui sont à proximité de leur troupeau. Les bons comportements : Lorsque vous arrivez sur un pâturage protégé par des chiens de protection des troupeaux... Restez calme, n’effrayer pas les animaux et ne prenez pas peur. Vous circulez en vélo, descendez-en et poussez-le, en tant que randonneur, ralentissez votre rythme. Si un chien de protection des troupeaux aboie, court dans votre direction et vous barre le passage… Restez calme et laissez du temps au chien pour qu’il évalue la situation. Gardez vos distances avec les animaux et évitez de provoquer le chien, que ce soit avec un bâton ou des mouvements brusques. Dès que le chien a accepté votre présence et qu’il s’est calmé, continuez lentement votre chemin. Si possible contourner le troupeau. Ne donnez pas à manger aux chiens et ne le caressez pas. Si vous êtes accompagné par votre chien de compagnie... Les chiens de compagnie génèrent des réactions plus fortes de la part des chiens de protection des troupeaux. Tenez votre chien en laisse et gardez-le sous contrôle. N’essayez pas de traverser un troupeau protégé avec votre chien, contournez-le. En cas de doute, faites demi-tour. Si vous trouvez que le chien de protection des troupeaux est menaçant… Evitez de le regarder dans les yeux et ne lui tournez pas le dos. Si le chien de protection des troupeaux ne se calme pas après une longue période bien que vous attendiez calmement à distance du troupeau, rebroussez chemin.
Le patrimoine bâti
C o u v e r t u r e d e s t o i t s e n b o i s ( t a v i l l o n s ) La majeure partie des chalets et écuries appartenant à des privés, le conseil communal, dans sa séance de septembre 1942, adopte un nouveau règlement dictant l'usage, l'entretien et règles à adopter par les propriétaires pour garder une unité au hameau. Nous y lisons notamment : …" Aucune autre couverture que les "tavillons" n'est admise. Tavillon vient de tavé, mot du patois local, qui veut dire planchette de bois avec laquelle on couvrait des toitures. Par extension, nous avons nommé toit en tavillons, toute couverture en bois ; de là viendrait aussi le nom du village "Taveyannaz". Seul un bois de première qualité répond aux exigences du tavilloneur. Comment choisir l'épicéa qui convient et qui fend ? Il faut le prendre de préférence au fond d'une combe ou de la vallée, sur les collines, les arbres sont en effet soumis à l'action du vent qui tord la fibre et décolle les cernes.
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Extraits du texte « Promenade sur l’arête dominant Taveyanne »
René Moreillon, bourgeois d’honneur, ancien garde forestier.
« …J’aime la solitude de ces hauts-lieux. On dit que la montagne ne fortifie pas seulement le corps mais délasse le plus noble de l’esprit. Elle est comme un musée des merveilles de la nature, une encyclopédie puisque toujours changeante. Elle évolue, se renouvelle dans l’éternité du temps. L’homme qui sait se courber vers la terre découvrira ses trésors : d’exquises fleurettes, ces petites plantes alpines, enfants du besoin qui s’accordent aux conditions rudes de la montagne. J’aimerais, avant de quitter ce belvédère, regarder encore en bas, les petits ruisseaux, tels des fils d’argent, qui courent dans les prés. Mais il faudra bien songer au retour, déjà le ciel à l’horizon se colore de longs nuages noirs qui confirment ce que les marmottes nous ont dit : pluie pour demain. Avant de redescendre, on attend que le Culan soit éteint, tout en regardant la fumée qui se balance sur le toit des chalets de Taveyanne. On pousse une yodlée, sonore et puissante, le cri de l’homme libre où le cœur entrevoit les régions lointaines vers lesquelles l’âme doit un jour s’envoler à jamais. Mais pour l’instant, il faut redescendre et arriver avant la nuit. On emprunte le chemin le plus court, par Conche, pour rejoindre Taveyanne. Arrivé au chalet, devant le fourneau qui crépite, après un frugal repas, on s’écoute vivre, encore tout imprégné du souvenir de cette belle journée, alors qu’en dehors, la brise passant caresse le vieux chalet. Là-haut, sur l’arête, dans le ciel, se profile la Croix qui étend ses bras pour protéger Taveyanne et sa réserve.
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